Dans de nombreuses villes du monde (Bogota, Berlin, Mexico, Paris, Bruxelles,…), la pandémie liée au coronavirus a incité de nombreux travailleurs à (ré)-enfourcher leur vélo pour fuir la promiscuité des transports en communs. Certaines villes ont pris des mesures drastiques, d’autres furent plus timides. Qu’en est-il de Liège ?
Dans le cadre de cet article j’ai pu interviewer Julien Charlier du Gracq de Liège le 24/08/2020.
Situation actuelle du vélo à Liège
En 2019, la deuxième consultation du baromètre des villes cyclables a connu un franc succès à Liège (2ème en nombre de répondants pour les villes – belges et françaises – de 100.000 à 200.000 habitants).
Qu’est-ce qui explique cette mobilisation ? Une forte mobilisation des associations ? Un état des infrastructures nécessitant une vélorution ? L’orgueil de la ville accueillant la Doyenne des courses cyclistes ?
Si cela reflète une tendance sociétale générale, le résultat du baromètre est assez sévère : sur une échelle allant de A+ (excellent) à G (très défavorable), les liégeois-ses ont attribué une mention F (défavorable) à la cyclabilité. Interrogés sur les 3 points les plus importants à améliorer, ils ont pointé :
- Un réseau cyclable complet et sans coupure (87,6%).
- Une limitation du trafic motorisé en ville (44,5%).
- Des itinéraires vélos rapides et directs (41,4%).
Le virus du vélo se répand à Liège
« Dans plusieurs villes d’Europe et du monde il y avait un développement des pistes cyclables car il y avait de plus en plus de gens qui prenaient leur vélo parce qu’ils avaient peur d’aller dans les transports en commun.
De plus, Liège souhaitait éviter un report des utilisateurs sur les voitures ce qui risquait d’engorger la ville (sans compter l’impact des travaux du tram).
Les cyclistes ont également voulu pousser la ville à l’action : un premier article d’Urbagora est paru en avril. Suite à cela, le Gracq s’est associé à Urbagora pour pousser la ville à mettre en place un plan de mobilité de déconfinement c.-à-d. reprendre, quand c’est possible, des bandes de circulation aux voitures pour faire des corridors vélos. » (Julien Charlier)
Depuis lors, une Task Force Mobilité se réunit régulièrement (6 réunions en date du 19/08/2020) et, déconfinement oblige, a décidé d’améliorer la mobilité douce à Liège via plusieurs mesures :
- Augmentation du nombre de rues cyclables (les cyclistes peuvent occuper toute la largeur de la rue, interdiction aux véhicules motorisés de dépasser et vitesse limitée à 30 km/h).
- Installation de panneaux B22 et B23 (autorisation pour les cyclistes de tourner à droite ou de franchir un feu rouge tout en cédant le passage aux autres usagers).
- Divers aménagements en cours ou réalisés (pont Kennedy, quai des Ardennes planifié en Septembre)
D’autres mesures sont en gestation :
- Généralisation du 30 km/h dans le centre de Liège (avec comme première étape l’hyper-centre)
- la création de coronapistes (axes cyclables structurants reliant la périphérie à la ville) qui reste une revendication essentielle mais qui est pour l’instant au point mort.
« Pour l’instant, ce sont essentiellement les rues cyclables qui ont été mises en place parce que c’est beaucoup plus simple et moins coûteux même si certains aménagements de corridors demandés pourraient rapidement être mis en œuvre (plots, barrières) comme cela a été fait dans d’autres villes.» (Julien Charlier)
Effet Corona ?
Difficile de déterminer si la pandémie s’est traduite par une augmentation du trafic vélo. En effet : « Il n’y a pas eu de comptage, il s’agit donc plutôt d’un ressenti de la part des gens et de plus la météo favorable, la baisse du trafic automobile (télétravail) a pu également favoriser l’essor des déplacements cyclistes.» (Julien Charlier)
Au boulot !
Certes, la crise du coronavirus a enclenché une dynamique intéressante pour les cyclistes mais on est encore loin de pouvoir se déplacer facilement dans et aux alentours de Liège, et encore moins pour des motifs utilitaires.
En effet : « La ville est pensée avant tout pour la voiture ; les voitures ont beaucoup de place avec parfois des 2 fois 2 bandes comme sur les quais de la dérivation alors que les cyclistes et les piétons n’ont qu’un espace parfois réduit à 1m50 à se partager. Il est donc normal qu’il arrive que les cyclistes et piétons entrent parfois en concurrence, voire en conflits.
Nous préconisons des sites propres dédiés aux cyclistes où ils pourraient atteindre des vitesses de 20 à 25 km/h sans trop de contraintes et cela profiterait également aux piétons sur le Ravel.
A ne pas reprendre de l’espace à la voiture, on se retrouve en fait à augmenter les conflits entre piétons et cyclistes alors que les politiques régionales et communales prônent le développement des modes de transport doux. » (Julien Charlier)
Conclusion
Si l’usage du vélo, bénéfice collatéral de la crise COVID, a peut-être connu un regain de popularité, il est dommage que la ville de Liège n’ai pu ou n’ai voulu mettre en place les coronapistes.
Septembre rime augmentation du trafic routier (d’où la difficulté de démarrer des chantiers entrainant eux-mêmes des bouchons), le retour du mauvais temps (les cyclistes sont solubles dans la pluie et hibernent, c’est bien connu), une éventuelle extinction de l’épidémie pourraient peut-être freiner l’action et/ou la volonté de la Task Force Mobilité. A suivre…
William Balcaen
Sources:
http://liege.gracq.org/sites/default/files/barometre_cyclable_resultats_2019.pdf
https://www.liege.be/fr/vivre-a-liege/mobilite/velocite
http://mobilite.wallonie.be/files/PUM-LIEGE/PUM-LIEGE-rapport-final-mai-2019.pdf
https://www.provelo.org/fr/implantation/liege
https://actuvelo.fr/2020/08/08/avec-la-covid-19-le-monde-entier-se-met-au-velo/
https://www.facebook.com/groups/coronapistesliege/